La dissertation juridique
Cours de droit constitutionnel
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La dissertation juridique
La dissertation juridique présente certaines particularités par rapport aux
exercices que l'étudiant a appris à maîtriser dans l'enseignement secondaire.
Elle fait appel à de nombreuses qualités qu'il faut cultiver : capacité
d'analyser le sujet, esprit de synthèse, capacité de communication des
connaissances, habileté de présentation et d'exposition de celles-ci.
L'épreuve d'examen dure normalement trois heures que le candidat doit
utiliser au mieux. Deux sujets sont proposés entre lesquels il doit rapidement
choisir. Le travail de réflexion portera sur la mobilisation, l'organisation et la
présentation des connaissances. Mais il ne faut pas oublier que l'art de la
communication consiste à se faire comprendre. La qualité essentielle d'une
dissertation est la clarté. Celle-ci s'obtient par une articulation logique des
idées sur le sujet. Le style doit être souple, dépourvu d'emphase, de
considérations moralisantes ou abruptes. S'exprimer à l'écrit, c'est d'abord
respecter l'orthographe et la syntaxe, en évitant les approximations de
langage, l'argot, le langage parlé, les abréviations et le style télégraphique.
Enfin, n'oubliez pas que le correcteur a beaucoup de copies à corriger, qu'il
est âgé et porte des lunettes, aidez-le en écrivant lisiblement et en utilisant
une encre qui facilite la lecture (noire ou bleue).
Maîtriser le temps imparti à l'exercice est essentiel. À titre indicatif, on
peut suggérer les délais suivants :
- lecture attentive et choix du sujet : un quart d'heure maximum ;
- mobilisation (au brouillon) des connaissances relatives au sujet,
classement, puis recherche du plan : au moins 45 minutes ;
- rédaction de la copie (directement au propre) : environ 1 h 45 ;
- relecture de la copie : 10 à 15 minutes.
Les conseils qui suivent paraîtront parfois au lecteur d'une grande banalité,
mais ils sont le fruit de l'expérience de nombreuses années de correction de
copies et du constat des erreurs commises par les candidats. Ils portent
d'abord sur la marche à suivre (chapitre 1). Nous proposons ensuite
différents types de plans que l'étudiant doit utiliser à bon escient (chapitre
2).
CHAPITRE 1 : LA MARCHE À SUIVRE
Il s'agit d'abord de comprendre le sujet que l'on a choisi de traiter (A), puis
de respecter les règles du travail demandé : la dissertation juridique (B).
A) La compréhension du sujet
Le travail de réflexion commence donc dès que le sujet est rendu public. Il
convient de respecter plusieurs étapes :
1. Lire très attentivement le sujet. La compréhension du sujet va déterminer
la qualité de votre travail. Vous avez souvent le choix entre plusieurs sujets.
Dans ce cas, vous devez lire très attentivement les libellés avant de choisir le
sujet à traiter. Comprendre le sujet (De quoi s'agit-il ?) suppose de se poser
des questions sur le contenu et les "limites" du sujet. Ces limites peuvent être
géographiques, chronologiques... mais aussi liées à une définition précise du
sujet qui doit conduire à une réflexion sur celui-ci.
2. Mobiliser les connaissances. Faire au brouillon une liste des questions à
traiter, éliminer tous les points qui vous paraissent, après réflexion, en
dehors du sujet ou accessoires. Il est en effet indispensable de ne traiter que
le sujet posé, mais tout le sujet.
3. Rechercher alors un plan en essayant de regrouper logiquement les
questions qui subsistent sur votre liste et dégager les idées essentielles.
Donner un intitulé à chaque partie, à chaque paragraphe. Chaque titre doit
résumer l'idée de chaque partie ou de chaque paragraphe. Le plan ainsi
construit doit être logique et rigoureux. Le plan en deux parties est
généralement conseillé. Pour nous, en droit constitutionnel, à l'issue du
premier semestre, il devient une exigence. On évitera donc la fantaisie et on
utilisera un plan en deux parties, chacune comportant deux sous-parties.
4. Rédiger soigneusement l'introduction, puis directement sur la copie le
corps du devoir.
B) Les règles de la dissertation juridique
La dissertation juridique comprend nécessairement une introduction
substantielle, suivie de deux parties et éventuellement d'une conclusion.
1. L'introduction
Elle permet de montrer que le candidat a compris le sujet, qu'il a saisi les
questions essentielles et compris comment y répondre.
Elle comprend :
÷ L'entame ou première phrase de l'introduction. Elle doit, dans la mesure du
possible être percutante. Sinon attaquez directement le sujet.
÷ La définition du sujet. Montrez que vous avez repéré les notions
essentielles qu'il convient de traiter.
÷ Les considérations d'ordre général ou historique qui doivent permettre de
situer le sujet dans son contexte.
÷ La position du problème : la problématique.
÷ L'annonce du plan.
2. Les parties
Elles mobilisent les connaissances du candidat au service d'une
argumentation, d'une démonstration logique et bien charpentée.
Chaque partie comprend :
÷ L'intitulé de la partie
÷ L'introduction de la partie ou " chapeau" .
÷ Les sous-parties.
÷ Les différents points contenus dans chaque sous-partie.
La première partie comprend la transition avec la deuxième partie. La
seconde partie (ou la troisième) comprend la transition avec la conclusion.
3. La conclusion
La conclusion doit être le point d'aboutissement de votre travail. Elle ne doit
pas être un résumé ou une redite de l'argumentation développée
précédemment. Elle se termine par une ouverture vers d'autres questions ou
vers une réflexion plus générale.
CHAPITRE 2 : LES DIFFÉRENTS TYPES DE PLAN
La rédaction d'un plan est très utile pour sérier les problèmes à traiter,
pour structurer un travail et le rendre lisible et cohérent. Il n'en reste pas
moins qu'un plan n'a qu'une valeur relative, il constitue d'une part une
réduction du réel et d'autre part il faut garder à l'esprit qu'il n'est que l'une
des nombreuses manières d'aborder un sujet. L'analyse comparative peut
toujours être utilisée dans chaque type de plan. On distinguera les plans
descriptifs, des plans types faciles à adapter à la plupart des sujets et dont
l'utilisation, au mépris de l'originalité, permettra au candidat de se tirer
d'affaire (A), et les plans synthétiques, plus originaux, mais plus difficiles à
mettre en oeuvre (B)
A) Les plans descriptifs ou plans-types
Il convient de distinguer les plans analytiques, qui étudient les deux aspect
d'une question à un moment donné, et les plans chronologiques ou
historiques.
1. LES PLANS ANALYTIQUES
Ils permettent de mettre en relief deux aspects complémentaires d'une même
question. Ce sont des plans simples et pratiques particulièrement utiles pour
un débutant.
Ex : La séparation des pouvoirs.
1. Le principe
2. Les limites
Ex : Le droit de dissolution
1. Les conditions d'exercice du droit de dissolution
2. Les conséquences de la dissolution
Ex : La dépolitisation
1. Les causes
2. Les remèdes
Les grands types de plans analytiques :
A. Conditions
B. Effets
A. Causes
B. Conséquences
A. Caractères
B. Conséquences
A. Organisation
B. Fonctionnement
A. Statut
B. Rôle
A. Composition
B. Rôle
A. Principe
B. Exceptions
A. Notion
B. Régime
2. LES PLANS CHRONOLOGIQUES OU HISTORIQUES
Le plan chronologique est déterminé par les différentes phases que connaît
une institution : Naissance et mort ; croissance et dépérissement.
Le plan historique est utilisable lorsqu'il existe une véritable date
charnière ( ex : 1789, 1917, 1989) ou lorsqu'il est possible de détecter un
époque spécifique (ex : La révolution industrielle). Ces plans sont souvent
du type avant /après.
Ex : Le Second Empire
1. L'Empire autoritaire (1852-1860)
2. L'Empire libéral (1860-1870)
Ces plans apparemment simples sont en réalité assez difficiles. Ainsi, par
exemple, 1789 ne constitue pas réellement une date charnière dans un étude
concernant la mise en place de l'administration française. La continuité (la
centralisation) l'emporte très largement sur les changements.
B) Les plans synthétiques
La synthèse est évidemment l'objectif de tout travail intellectuel. Il existe
deux grands types que l'on choisira selon qu'il s'agit d'exposer les différents
termes d'un débat ou que l'on préfère exposer ses propres vues sur le sujet.
1. Le plan " Thèse... antithèse... synthèse...".
Il s'agit d'un type de plan, à trois niveaux, très utilisé dans le cadre des études
littéraires. Il est très difficile à utiliser dans le domaine de la vie politique et
institutionnelle, car outre le fait qu'il demande une grande maîtrise dans le
maniement des idées, il ne permet pas toujours de fournir une explication ou
une solution à un problème.
2. Le plan "En apparence... En profondeur... En réalité..."
Ce type de plan permet l'analyse d'un problème en allant du simple au
complexe, en étudiant successivement différentes strates du sujet. Ici, on
défend une thèse à l'aide de deux ou trois idées qui font l'objet des
différentes parties du devoir. Les intitulés des parties doivent indiquer ce que
l'on veut démontrer.
ex : L'URSS
1. En apparence, une confédération (Représentation internationale, droit de
sécession)
2. En profondeur, un état unitaire (La centralisation par le parti
communiste)
3. En réalité, une autonomie locale réelle (La déconcentration)
Conclusion
La méthode de la dissertation juridique demande un apprentissage. Dans
chaque cas, il convient de choisir un plan adapté au sujet. Progressivement,
l'étudiant apprendra à maîtriser cet art subtil. Il l'apprendra par la lecture de
textes juridiques qui fournissent des exemples d'utilisation de la méthode, et
surtout il l'apprendra par les exercices, en TD et à la maison.
C'est en rédigeant que l'on devient forgeron !
Par: Jean-Pierre Maury